jeudi 22 décembre 2011

I luv U all - une nouvelle de Zec


Octave est assis sur la chaise en bois de la cuisine. Il est attablé devant sa tasse de café. Vide. La cafetière italienne lui donnera bientôt le breuvage salvateur.
Octave a allumé une cigarette qu’il fume paresseusement.
Il tire sur le clope à intervalles réguliers, le coude posé sur la table.
Octave fume de la main droite, ce qui n’a aucune espèce d’importance pour la suite des événements.
Il est assis et fixe le calendrier depuis un long moment. La case du jour est entourée d’un gros cercle rouge.
 Derrière lui, la pendule égrène les secondes.
Ça fait tic tac. C’est rassurant.
Le chat ronronne, sa masse posée sur la table. Lui aussi trouve le temps long, mais il se taira. Il se contente de regarder Octave.
Ce dernier écrase sa cigarette dans le cendrier.
Son regard se pose tour à tour sur le chat, le calendrier, le chat … c’est agaçant.
Alors le chat saute de la table et s’en va.
Octave se lève, les pieds de la chaise raclent bruyamment le plancher. Il verse le café dans sa tasse, regarde par la fenêtre, boit une gorgée, regarde de nouveau :
Le jour s’est levé
Sa quête peut commencer.

Il enfile sa veste de tweed celle qui a des coudes aux manches, ajuste sa casquette, noue son écharpe et se rend à la poste. Rien n’est ouvert, mais avec un peu de chance, son ami Donatien sera là en train de fumer à l’arrière du bâtiment avec Ivan. Octave fait le tour, enjambe la grille et trouve Ivan, seul :
-       «  Tiens mais c’est l’grand !! que viens-tu faire ici ? en manque de tri l’ami ? »
-       «  Bonjour Ivan, je cherche Donatien ? je pensais le trouver ici avec toi. ; »
-       « Non, l’ami, Donatien a disparu depuis un moment… je lui dis de passer chez toi quand je le vois »
-       « Merci mais ce sera trop tard, j’avais besoin de ses conseils… »
-       «Je peux t’aider ? »
Octave, retira ses bésicles et avec son mouchoir de batiste essuya la buée qui s’était formée. Il gardait la tête baissée, pesant le pour et le contre … en parler ou pas. Après tout autant se lancer/
-       « Ivan, crois –tu aux anges ? »
-       « Euh, les trucs blancs avec des ailes et tout et tout ? »
-       …….
-       « qui volent ? »
-       « Oui »
-       « Non »

Laissons Octave et Ivan se regarder interdits pour donner au lecteur des pistes de compréhension. Octave a rencontré un ange la semaine dernière. Et cet ange lui a fait une demande. Et Octave a accepté. Je vous entends vous gausser, mais j'aimerais vous y voir vous. C'est facile de faire les malins, on verra quand vous vous retrouverez face à un ange !
Octave se souvient de la demande de l'ange et c'est un gars loyal Octave, alors il aimerait bien réussir. L'ange s'appelle Alia, sans ailes et tout et tout. Mais c'est un Ange. Octave en est sûr.

Il se souvient de son rire, des boucles rousses de ses cheveux, de l’odeur de chèvrefeuille laissée dans son sillage et  du  bruit de ses pas quand elle est partie en lui chantant sa demande !
Elle n’était que cascades, rires, insouciance et légèreté et il voulait qu’elle revienne. Il a jusqu'à minuit pour tout réaliser. Il sait que c'est totalement loufoque et incertain mais il veut  le faire. Octave fait partie de ces gens qui font constamment des paris sur le quotidien, comme ne pas marcher sur les joints entre les pavés dans la rue...compter le nombre de gens portant chapeaux , parier sur le premier qui va s'envoler... donc Alia ne s'est pas trompée en le choisissant.
Retournons voir nos amis. Il est temps, nous sommes le 22 décembre, il fait froid dehors, et un héros malade ne me convient pas du tout.

Octave quitte un Ivan interloqué et triste. Voir son ami dans un tel état ne l'enchante guère. Il ne lui est d'aucun secours et le camarade Donatien ne le serait pas non plus.
Octave marche donc dans la rue avec cette certitude qu'il doit accomplir cette tache seule, un truc genre destinée.
Il est décidé, il va donc aller voir tou-te-s ses ami-e-s :

Il est maintenant 8H00 du matin, du monde dans les rues, ça ne va pas être facile.

D'abord, la peinture. Octave va chez Aristide et le leste de  seaux, de pinceaux. Il a  emprunté la charrette d'Ivan, et il charge, il charge. Ensuite il se rend chez Jeanne la couturière du coin de la rue Broquet. Il lui demande un igloo : Jeanne tape des mains, sautille de joie, fait des bonds....Elle est tout petite Jeanne, elle semble comme engloutie par les rubans et les tissus qui l'entourent. Elle plonge dans les paniers, sort une bobine, la remet, sourit à Octave, replonge, rit encore, trouve cette journée tout simplement merveilleuse.
Octave extirpe sa montre gousset de sa poche, il est déjà 11H00.
Jean, l'amoureux de Jeanne, (et oui!), lui a préparé du café. Tous les deux gardent le silence tandis que Madame Pique-sans-fin se démène joyeusement. De temps en temps, un client passe la porte de l'atelier et s'entend répondre :
-        « c'est fermé, aujourd'hui je travaille pour l'amour »
Une heure plus tard, Octave serre fort son amie dans ses bras. Ce que Jeanne  lui a offert dépasse et de loin ses rêves les plus fous.
Jean enveloppe le précieux présent dans du papier-de-soi. Jean est papetier. Il a inventé une machine à fabriquer le papier-de-soi. C’est assez simple comme principe : vous lui décrivez la personne à qui vous voulez faire un cadeau, et de sa machine sortent des bandes de papier qui collent à la personne. Ce matin, l’atelier embaume le chèvrefeuille.

Il est temps d’aller se restaurer.
Octave pousse sa charrette à bras jusqu’au fournil d’Aristide.
Il est sur le pas de la porte, ça sent le sucre, la farine et la cannelle.
Octave mord dans la brioche  que son ami lui tend.
Et expose sa demande.
Les yeux d’Aristide roulent comme des billes, ses bacchantes frémissent. Son ventre, qu’il a de proéminent se soulève aussi régulièrement que sa poitrine et ce qui devait arriver arriva. Aristide éclate d’un rire si tonitruant que ses élèves s’arrêtent de travailler…
Il est rare d’entendre Monsieur Aristide rire, mais quand cela arrive, c’est toute la vie qui reprend ses droits.
-       « Ravi de t’avoir fait rire », l’interrompt notre Octave, vexé
-       «  Mais, non, tu ne me fais pas rire, tu éclaires ma journée », dit Aristide avec bienveillance, «  viens, c’est par là que ça se passe, j’ai exactement ce qu’il te faut »
Et Aristide emmène Octave dans sa pièce, et là sur des tables, des dizaines de meringues attendent d’être croquées.
Le pâtissier appelle ses élèves, tous emballent les sucreries et les déposent dans la charrette d’Octave.
Aristide le regarde avec malice et Octave rentre chez lui.

Il ouvre la grille, traverse le jardinet, et dépose sa charrette devant l’escalier à double révolution. Il va maintenant hisser tous ses trésors. Cela lui prend du temps, il fait froid, un pâle rayon de soleil peine à le réchauffer. Octave ne voit pas le temps passer.
Il transforme sa maison.

La nuit tombe, sa maison éclaire la nuit.
Tout est blanc, lumineux, argenté.
Octave a repeint tout l’extérieur d’un blanc laiteux, il a recouvert toutes les fenêtres et tous les murs des voiles confectionnés par Jeanne pour offrir un igloo à la belle Alia.
Les meringues attendent, blanches elles aussi.

Cependant, Octave sait qu’il manque quelque chose d’essentiel pour qu’Alia revienne.
Il se remémore la scène et  les paroles résonnent :
-       « Blanc, je veux blanc, tout blanc »  avait elle dit avant de disparaitre dans un grand éclat de rire.
Et là pour Octave tout s’éclaire à nouveau.
Alia savait qu’il ne pourrait y arriver seul, alors elle lui a donné un défi pour qu’il appelle ses ami-e-s.
Octave court de maison en maison, prévenir ses ami-e-s. Tou-te-s doivent venir afin que l’ange réapparaisse.
Et tous viennent, tous se déplacent.
Et plus ils arrivent, plus la nuit tombe et leur présence éclaire le jardin ; On sort les voiles, on dresse les tables, on apporte les victuailles On commence à chanter, les rires fusent, et plus ils rient, plus la nuit s’éclaire.
Octave est heureux, il s’assoit en bout de table, et regarde tou-te-s ses ami-e-s.
A minuit, c’est l’hiver, enfin, et personne n’a froid.
On sonne à la grille.
Le silence se fait.
Octave se lève, va ouvrir.
Elle est là.

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