Le réveil sonne, elle l'éteint .
Elle ouvre un œil. Se soulève sur un coude, regarde par la fenêtre.
C'est tout blanc. Il a neigé. Sa tête retombe sur l'oreiller .
Elle sourit, elle se lève, sautille pieds nus sur le parquet , elle
frissonne passe sous la douche. Elle revêt une robe de laine, une
paire de collants colorés, qu'elle recouvre de hautes chaussettes
noires. Fait chauffer l'eau pour le thé , allume son téléphone.
Il a enfilé un jean brut, un pull
lover de laine à col en V. Son duffle-coat est bleu marine . Il
sort de la chambre . Il s'approche doucement dans la cuisine.
Son homme aime les matins calmes. Lui aussi. Le café est prêt dans
sa tasse, non sucré, sans soucoupe, comme il l'aime . Ils se
regardent, se sourient . Eux seuls savent pourquoi. Ils
s'embrassent, quittent l'appartement et allument leurs téléphones.
Son mari l'a appelée très tard .
De la « piazza navona » « tu sais, là où on
avait mangé une glace cet été ». Elle aime qu'il l'appelle
quand il est loin, elle aime sa voix dans la nuit. Elle a décroché
le téléphone, s'est enroulée dans sa couverture, noyée dans les
coussins du canapé.Le chat est venu se pelotonner à ses pieds, à
sa place. Elle s'est endormie dans les coussins, en pensant à lui.
Le jour qui perce à travers les persiennes l'a réveillé. Elle
s'étire paresseusement, le chat miaule en sautant du canapé .
Elle attrape son téléphone. Déchargé . Elle jure en italien.
Court chercher son chargeur. Elle branche l'usb et attend que le
voyant clignote vert. Pendant que cela charge, elle prépare ses
vêtements, dress code noir ce matin. Doit bien avoir un cashmere qui
traîne sous la pile.
Il est dans la salle de bains, il se
rase, sa fille aînée toque à la porte, avec insistance. Il sourit.
Il continue à se raser . Il a respecté le planning, c'est lui
qui l'accroché à la porte. Et comme c'est lui qui l'a rédigé il
sait qu'il n'a pas pu se tromper . Ce créneau c'est le sien .
Son adolescente peut bien attendre. Et puis, elle passe quand même
beaucoup de temps en ce moment dans la salle de bains . Sur son
étagère il a vu des fards à paupières et du rouge à lèvres, là
où il y a encore quelques mois ne traînaient que des pinces à
cheveux. Il se dit qu'il faudrait en parler avec à sa femme, mais il
rentre tard en ce moment, comme tous ses collègues . Il entend
Lili qui tambourine de nouveau. Il se rend, il veut pas se fâcher,
pas ce matin. Il enfile un pantalon noir, un pull noir aussi. Descend
l'escalier, embrasse sa femme, monte dans sa voiture , met
l'oreillette et allume le téléphone.
Elle a pris le train, pour aller plus
vite . Mais elle n'est pas seule .Ils sont nombreux dans le
TER, ce jour là. Ils se connaissent tous. Ils ont déjà froid mais
ce n'est pas grave . Ils ont leurs tracts et leur carnet de
chants. On entend les rires résonner dans tous les wagons . Le
contrôleur a souri avec le billet de groupe . On entend les
cloches tintinnabuler. Elle est debout, elle les regarde, elle est
là, elle est contente . Elle n'est pas inquiète . Elle
l'est rarement . Et puis là elle est fière .
Il est prêt , il les attend, son
appareil photo en bandoulière . Il veut faire de belles photos,
il veut que ça ait de la gueule, comme d'habitude !! Il les
voit arriver de loin . D'abord il les a entendus.
Il sourit, il mitraille. Ils chantent.
Elle est déjà dans le métro, elle a
rendez vous porte de clignancourt. Son gilet haute visibilité est
roulé en boule dans son sac à dos . Trop la honte. Elle a mis
des doc hautes, les 20 trous, celles qui font qu'on court plus vite .
Et puis c'est des vrais, à l'ancienne, pas les nouvelles avec la
fermeture éclair. Non les 20 trous, ça se mérite, ça se lace de
bas en haut. Elle a changé les lacets ce matin . Elle a mis les
rouges. C'est Paul qui les lui a donnés ,le vendeur de disques du
bas de la rue. Elle pense à Paul, il est mignon Paul .Elle a
promis de lui envoyer un SMS après. Et peut-être elle l'invitera à
boire un verre après. C'est sûr, elle préférerait que ce soit
lui. Et si il dit non ? Elle aura l'air stupide …. Mais
ce matin, elle est heureuse dans le métro. Elle regarde les
stations défiler et son cœur bat de plus en plus vite. Elle voit de
plus en plus de bouts de tissus jaunes qui dépassent des sacs......
Elle est en retard, comme souvent mais
là c'est pas possible. Elle a déposé les enfants à l'école et
elle a rejoint ses collègues dans la maison de l'un d'eux .
Elle fait de grands gestes avec la main gauche. La droite tient son
téléphone collé à son oreille. Elle parle en marchant. Son débit
est identifiable entre tous. Elle saccade les mots, elles les chante
en fait. Même quand elle parle anglais. Ce qui la rend
compréhensible de tous. Sauf en anglais. Ses collègues se marrent
car elle plisse les yeux devant son écran de netbook et qu'elle
dit : « non, c'est pas pos – si – ble ça, il a pas
dit ça quand même » . Elle s'arrête, elle les regarde
tous et elle leur dit « vous imaginez même pas combien on
sera » . «Ça va être génial !! ». Et elle
sourit !
Il est maintenant 14H00
Nous sommes le 14 janvier 2012
les portables de tou-te-s les
militant-e-s orthophonistes ont sonné. C'est eur signal . Ils
ont dit qu'ils s'appelleraient quand ça commencerait, pour être
ensemble.
Ils sont dans les rues, avec leurs
patient-e-s
Ils n'ont rien lâché
Ils ne lâcheront rien.
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