jeudi 29 décembre 2011

Une certaine idée de l'humanité par Zec

  • Octave, racontes -moi la rue Broquet s'il te plaît.

Octave lève les yeux de son bricolage et regarde Alia. La flamboyante est à demi couchée sur la conversation. Elle a étendu des jambes par dessus la séparation en forme de S et ses pieds reposent sur le chat. Depuis son apparition dans la vie d'Octave, et son installation dans la maison, elle ne quitte guère cette place. Le chat doit aimer le chèvrefeuille car il se love souvent près d'elle.

  • Octave, s'il te plaît, la rue Broquet.
  • La rue Broquet ne se raconte pas, Alia, elle se vit, elle se hume, elle s'écoute.
  • Alors emmènes -moi.
  • ….
    Alia se déplie, se lève, lisse sa robe, enfile une paire de croquenots. Elle se déplace sans bruits, on dirait qu'elle lévite. Elle disparaît et réapparaît vêtue d'une cape, ses mains dissimulées dans un manchon, une toque retenant à peine ses boucles indisciplinées. Elle se plante devant Octave. Lui est resté assis, se concentrant sur la machine à arrêter le temps qu'il construit patiemment. Le chat, lui, a choisi son camp. Il saute sur la table, les plans s'envolent. Octave tente de les rattraper. En vain. Ils s'éparpillent et retombent au sol comme les feuilles en automne. Alia sourit. Et quand elle sourit, le monde d'Octave s'illumine. Il est toujours assis. Il la regarde par dessus ses bésicles. Elle patiente en se balançant d'un pied sur l'autre. Octave se lève, fait le tour de la table. Il ramasse les croquis, et va les ranger dans le tiroir de la cuisine.
    Il passe devant Alia, va enfiler sa redingote noire, une chapeau haut de forme brun, et enfile ses gants.
  • Viens , lui souffle-t-il en lui proposant son bras.
Ils marchent du même pas, on dirait qu'ils volent tant ils sont à l'unisson. Il fait nuit. Le monde est endormi . Mais chaque pas d'Alia éclaire leur route ,( oui c'est un ange, et quand les anges marchent, volent, enfin , se déplacent, ils éclairent la route... ou pas. Disons que l'auteure de cette prose trouvait ça plutôt facile et que comme tout est complètement fictionnel, et ben, on a le droit) ; Reprenons
Il fait froid, très froid. Ils parlent peu. Enfin ils arrivent au début de la rue Broquet, qui n'est pas exactement une rue. C'est un immense rectangle composé de maisons de pierres. On sait que l'histoire, ses guerres ont depuis longtemps bouleversé la géographie en créant des frontières là où elles n'existaient pas, en déplaçant des populations qui n'avaient rien demandé, juste par la ratification d'armistices dont on se serait bien passé. La rue Broquet est comme un immense camp de résistance . Se sont installés là des tziganes, des corses, des italiens, des irlandais, des argentins.... chacun a construit sa maison avec l'aide des autres, au fur et à mesure des arrivées, des conflits, des morts et des naissances. On y trouve de grandes maisons, des bicoques, des longères, des huttes. Des maisons colorées, peintes et repeintes au fil du temps . On y trouve même des colombages, et certains soirs, les historiens polémiquent pour en décider l'origine.

Alia et Octave se sont installés sur un banc de pierre au centre du rectangle. C'est la place centrale appelée « place des humains ».
Là où se nouent et se dénouent les contrats. On y tient le marché certains matins, et certains soirs, on y refait le monde. C'est l'assemblée du peuple, on y vote le règlement intérieur une fois par an. Les autres fois, on y discute, on argumente, ça parle fort, ça se conspue , s'invective, se chicane , se querelle, en un mot : ça s'engueule !!
Elle est bordée de platanes, qui ombragent délicieusement les bordures. On vient là retrouver des ami-e-s , jouer aux cartes, aux dominos , lire, s'isoler, méditer et refaire le monde.
En son centre, on a construit le four. C'est là que chaque famille vient faire cuire son pain. Autour sont plantés des oliviers, des citronniers, des cèdres.


Octave raconte tout ceci à Alia, elle voit les enfants courir, elle entend les rires, les pleurs, les cris...
Octave raconte à voix basse et tandis qu'il raconte, Alia sent tour à tour, l'odeur du maquis, du froid sibérien, du désert africain. Ça se mélange sans se heurter, comme un brin d'humanité.

Ils se lèvent et font le tour.
Octave commente, d'un ton docte ou amusé.
On commence par le café, il est tenu par Eugène. La grille est à moitié baissée mais, en se penchant, on peut apercevoir le style art déco de la Brasserie.
Ensuite, plusieurs maisons en enfilade, des grandes familles qu'Alia n'a pas encore rencontrées, Octave ne veut donc pas lui en parler.
  • Viens, courons , le premier arrivé à la maison rouge à gagné!!!
    Alia ne court pas, elle vole et Octave la rattrape péniblement. La maison rouge c'est celle de Jeanne, Madame Pique sans fin et de son amoureux, Jean.
  • Jeanne et Jean, tu les as vus, reprend Octave essoufflé. Ils se sont rencontrés sur la place. Un vrai coup de foudre !! Jeanne et Jean, ça ne s'invente pas.
  • Je n'ai pas compris ce que fait Jean, interroge Alia , doucement.
  • Octave sourit : personne ne le sait, lui-même ne le sait peut-être pas. C'est simple : c'est un génie. Un inventeur bricoleur génial....
  • comme le « papier de soi »
  • oui, le « papier de soi » et aussi la machine à arrêter le temps que nous fabriquons en ce moment.
Poursuivons,
  • là tu connais, à côté c'est le fournil de Monsieur Aristide. Ensuite, nous avons Cassandre, la raconteuse d'histoires, que tu verras demain
Octave s'est arrêtée et de l'index désigne les maisons une à une, Alia écoute, et les grillons se sont mis à chanter.
    • à côté, le nid géant c'est chez Angèle, qui aide les bébés à venir au monde. Et puis, la maison de Balthazar, le facteur, et enfin Hector, qui aide les gens à prendre des décisions. Nous avons fait le tour, Alia, pour ce soir. La rue Broquet recèle d'autres habitants et plein de mystères mais pour cette nuit, c'est assez, ne crois tu pas ?
    • Si Octave, je suis ravie et sereine, nous pouvons rentrer . Mais, une question reste sans réponses, tu me dis que toutes les maisons sont là, dans cet immense rectangle, pourquoi la tienne est à l'extérieur ?
    • Octave la regarde gravement : je ne le sais pas. Il est dit que celui qui habite cette maison sera promis à un étrange destin. Mais je ne sais lequel.
Alia prend le bras d'Octave, le serre un peu plus fort et silencieusement, ils rentrent dans chez lui. Le jour s'est levé.
Il est temps de faire une pause.

mercredi 28 décembre 2011

Poor lonesome ortho, par Zec


Il l'a vue arriver. Il est là depuis longtemps. Il a le temps. Presque l'éternité. Elle non. Son temps est compté.
Il est à ras du sol. Immobile. Son point de vue reste imprenable.
Il a d'abord entendu ses pas. Cadencés. Elle marche comme un petit soldat.
Tic tac , tic tac fait le temps qui s'écoule.
Et elle, elle n'en tient pas compte . Elle clame qu'elle aura le temps. Lui sait que non. Elle se leurre, pauvre humaine qui pense tout maîtriser. Lui sait que non, elle s'en apercevra bien vite.
Après le son, l'image, il a vu une paire de bottes dans son champ visuel. Des bottes cavalières, avec des talons pas trop hauts. Il l'aurait deviné. Il sait qu'elle court tout le temps, elle ne met pas de chaussures inconfortables en sa compagnie. Il a déjà été dans son sac, dans son dos, à bout de bras aussi. Elle a besoin que tout aille vite, elle ne porte jamais de choses qui la dérangent. Pas de bagues pointues, pas de breloques qui tintinnabulent . Le seul accessoire qu'elle porte en sa compagnie , ce sont ses lunettes de vue, et encore, au bout d'un moment, il la force à les retirer, tant il lui abîme les yeux. Les moments passés avec lui sont éprouvants . Elle s'y est habituée au fil du temps mais c'est rarement un plaisir . Souvent, à la fin de leurs soirées, elle le regarde avec contentement et satisfaction, mais c'est elle qu'elle félicite, pas lui. Alors, il s'est installé dans sa vie, et vient la surprendre au moment où elle s'y attend le moins. Un jour, elle le regardera autrement. Il l'espère.
Il la guette, infatigable veilleur.

Il l'a vue venir et prendre place à sa table de travail. Toujours le même rituel. Elle allume son PC, branche sa clef USB, pose sa tasse de thé brûlant à gauche de la bécane, ajuste l'écran, ses lunettes.
Elle se penche, attrape des feuilles de brouillon, là , sa main l'effleure mais elle ne le touche pas . Pas encore. Elle se rassoit. Elle fouille dans sa trousse, en ôte les feutres de couleur et les pose devant elle. Et elle le regarde. Bizarrement. Puis détourne le regard. Elle se détourne de lui.
Elle pense encore qu'elle a plus important que lui dans sa vie ? Vraiment ? Et bien, il va se charger de lui faire comprendre le contraire.
Tiens, elle a l'air de comprendre toute seule puisqu'elle le porte sur sa table. Serait-elle devenue enfin raisonnable ? Ah ben , pas tout à fait, puisqu'elle le repose dans son sac.

Il fait nuit maintenant . Elle est seule à son bureau, ses collègues sont parti-e-s. Elle a mis de la musique en fond. Si elle croit que cela va l'arrêter, elle se trompe. 30 mn qu'il attend , seul , à ses pieds. Cela ne peut plus durer . Chaque semaine, elle lui fait croire que cela va être son tour. Chaque semaine, elle le change de place : dans le sac, à la maison, dans un tiroir, sur une table d'écolier, dans un train, au fond du coffre d'une voiture, et même oui même dans un jardin, sur le bord d'une piscine ou d'une cheminée. Et s'il était seul, non !!! ils sont cinq, dix , vingt même parfois , à attendre, trépigner que MADAME L ORTHOPHONISTE fasse enfin son travail de rédaction .

Mais c'est Noël, enfin c'est passé mais c'est tout comme . Et, là, comme un miracle, il l'entend dire à son interlocuteur téléphonique :
  • « Bon, faut que j'te laisse, c'est pas tout, mais j'ai des compte-rendus à finir, je m'y mets sérieusement là.
Et là, comme dans un rêve, elle le sort de la pile, le pose devant elle et dit :
- à nous deux maintenant, qu'on en finisse.

dimanche 25 décembre 2011

"Monsieur Aristide ne fait pas que dans la meringue "par Zèc

Aristide serre Octave dans ses bras , essuie avec douceur les traces de meringue restées sur la joue d'Alia et leur souhaite une belle nuit. Il est 3H00 du matin , un 23 décembre et Aristide doit aller travailler. Il regarde une dernière fois cette belle assemblée . Il leur sourit avec bienveillance. Ils ont tous des étoiles dans les yeux ce soir . Octave, sans un mot, raccompagne son ami à la grille. Aristide a l'air ailleurs, loin. Cela lui arrive parfois . Octave est un garçon discret. Il ne questionne pas, il écoute. Il voit bien qu'Aristide est préoccupé mais il ne demande rien.
Il tourne la clef dans la serrure, ouvre la porte dans un grincement .
Les deux amis se regardent . Aristide hésite :
  •  - Ta serrure, l'ami, on la crochète en deux secondes, faudrait voir à la changer surtout si la dame reste .
  •  -  Tu t'y connais bien en serrures pour un pâtissier, Aristide.... répond l'autre amusé
Aristide soupire, regarde ses bouts de chaussures ;
    • - Salut l'ami, à bientôt.
La porte de referme derrière lui.
Il marche, d'un pas traînant, le cœur lourd tant il aimerait parfois se confier au jeune Octave. Il regagne son fournil.
Les habitants de la rue Broquet ont toujours connu le fournil. Mais peu savent les secrets qu'il abrite. Les témoins du passé ont déménagé, sont morts, et dans le quartier, nul de trahira Monsieur Aristide.
Pas par peur, non, mais par respect.
Aristide soulève la grille qui protège l'entrée de son univers. Il n'a pas de boutique.
Au rez de chaussée, on entre dans une salle circulaire dans laquelle sont installées des chaises toutes différentes. On l'appelle la « salle des pains perdus »
C'est là qu'on attend les livraisons. C'est comme une religion d'aller chez Monsieur Aristide , les meilleures fougasses de toute la ville, ça se mérite !! La pièce est éclairée par des puits de lumières creusée dans le toit . Aux murs, des niches qui abritent des tasses, du thé, des journaux, des livres . Chacun se sert. On vient là pour se désaltérer, se réchauffer, se nourrir le corps, l'esprit et le cœur.
Passée cette pièce un escalier mène aux appartements d'Aristide en haut et au fournil en bas. Tout en pierre. Le domaine privé est constitué de 4 pièces à l'étage (une chambre, un bureau, une cuisine, une pièce à vivre), au dernier étage un grenier où Aristide a surélevé ses souvenirs. Il les garde tout en haut, pour qu'ils ne retombent pas dans l'oubli.
Quand Aristide se lève , au milieu de la nuit, il hésite toujours entre monter soulever le passé et descendre nourrir le présent.
Dans son fournil, il a installé des haut s - parleurs de bonne qualité qui diffusent de l'opéra italien à longueur de temps. Les habitué-e-s connaissent l'humeur du chef de ces lieux en fonction de ce qui passe dans leurs oreilles : La Callas, le patron est mélancolique ,Pavarotti le patron est gai....
Il y eu de mémorables prises de bec dans l'antre d'Aristide concernant les meilleurs prestations. Dans ces cas-là, les dates fusent :
  •  - 58 dit l'un ,
  •   - n'importe quoi,  62 , rétorque l'autre,
  •  - et vas donc, si t'as pas nettoyé les esgourdes ce matin, décambutes vite et va t'occuper de ça on en reparlera plus tard  !!
Aristide est de mauvaise foi. C'est un fait notable. Il est généreux mais de mauvaise foi. Il est soupe au lait aussi . Un jour, un apprenti , plus espiègle que les autres, a osé subtiliser un des disques et le remplacer par une de ces horribles musiques entre la musique classique et le cours d'éveil à la musique pour des petits. Tout le quartier se souvient de la colère d'Aristide : le ciel est devenu noir, le visage du pâtissier congestionné, et le regard du jeune homme …. vide. Il était pas content Aristide, mais pas content du tout , du tout, du tout. Le jeune homme s'est vu refuser l'accès au fournil pendant 7 jours . 7 jours pendant lesquels il a dû aller à l'école de musique perfectionner son oreille. Il en menait pas large le gamin. Mais après cette semaine à entraîner son oreille, il demanda à Aristide de l'aider à connaître et reconnaître, puis apprit à lire les partitions. Des nuits et des nuits sans fermer l’œil. Et ce qui devait arriver arriva. Un matin, il se présente à l'atelier engourdi de sommeil , et il s’endort pour de bon la fournée de croissants fini cramée, brûlée, noircie. Tout honteux il se présenta devant Aristide qui savait mais ne disait rien , attendant que son apprenti vienne le trouver. Ce jour là , Aristide offrit ce qu'il avait à offrir : un avenir. Il permit au jeune homme d'étudier à loisir la musique s'il le faisait sérieusement. Il payerait ses études, il lui permettrait de revenir à la pâtisserie si...
Rien en échange, Aristide sait qu'on ne négocie pas avec le destin. Le jeune homme s'en est allé , il est devenu un concertiste de talents. Il envoie une carte à son patron de chaque ville où il joue et revient régulièrement rue Broquet.

Il est 3H00 du matin, Aristide entre dans son univers et monte au grenier. Il vit sur un mensonge et la nuit étoilée qu'il vient de passer le pousse à se libérer. A se libérer et libérer de leur serments les ami-e-s du quartier. Il ne fera pas de cuissons cette nuit. Il va ouvrir les portes du passé et se construire un avenir. Il monte au grenier. Il y fait chaud. Il allume la lampe à pétrole que son père lui a donné. Il ouvre les malles, sort les photos du temps passé. Il parcourt les journaux , les avis aux peuple noircis par le temps. Il transporte les lourdes machines dans la salle des pains perdus, punaise les affiches, les photos en noir et blanc, les cartes, les tickets, la vieille radio et tous les morceaux de honte et de bravoure.

Le lendemain matin, y du monde dans la rue Broquet, des clameurs aussi. On dit que le fournil n'est que silence. Tou-te-s s'inquiètent et se massent devant la porte fermée. On jacasse, on extrapole. La rumeur est parvenu jusque chez Octave. Alors , avec Alia et les autres , ils se joignent au cortège des habitué-e-s. Peur, étonnement, ça se mélange. Monsieur Aristide, grave et silencieux, ouvre la porte et les invite à entrer.
Nul ne reconnaît la salle. Chacun-e s'assoit quasi religieusement. La salle est à craquer. Le dernier entré ferme la porte et Aristide prend la parole.
Et il raconte, l'arrivée rue Broquet avec sa famille, la guerre et la résistance.
  • On m'appelait Dédé la boulange...avec mon copain Pierrot les dents blanches, on a fait les 400 coups ici et là. De petits escrocs, des larcins , pour survivre . J'ai jamais été pâtissier , mais après j'ai appris. Avec Pierrot, on avait trouvé un moyen de faire tourner la planche à billets. C'était avant la peste brune. On s'était installé là, dans le fournil. On y planquait le matos. D'où mon surnom. Pierrot , lui, parcourait la ville la nuit, les cafés et les salles de jeux. Et puis, est arrivé l'horreur . Fallait se planquer, devenir prudents. On avait les machines, alors, on a proposé aux gars et aux filles des sections de fabriquer des faux papiers et des cartes de rationnement. Faux billets, faux papiers, c'était pareil. Et on l'a fait, longtemps, on s'marrait bien. On connaissait pas les noms des gars, on voulait pas. On savait pas si on s'rait assez forts, alors on voulait rien savoir. Juste on faisait tourner les machines et on livrait. On faisait du pain aussi, des croissants pour les minots de la rue : Esther , Sarah et tous les autres. Leurs mères passaient le matin, on glissait les cartes dans le pain noir. Leurs hommes passaient la nuit, on leur donnait les papiers. On planquait les armes dans la farine. Et un jour, ils ne sont plus venus. Ni les hommes , ni les femmes . On a attendu de revoir Esther et Sarah, mais elles ne sont jamais réapparues . Pierrot est parti, moi j'ai fait illusion. Ils m'ont arrêté et relâché. Je suis mort dans leurs cellules. Après je suis revenu, j'ai pris le nom d'Aristide, en mémoire du policier qui m'a aidé à m'évader.
    Je n'en peux plus de garder cela pour moi. Après la nuit blanche que nous avons passé, je devais vous dire tout cela.

Aristide, regarde ses pieds, il est désemparé. Il voit une marée d'yeux écarquillés. Lequel de ses amis va le délivrer, l'absoudre ?
Octave se lève , lentement, et va le serrer dans ses bras sans un mot, le regarde et lui sourit. Et tou-te-s font de même. Et chacun étreint son voisin. La vie reprend ses droits. Les sourires sont larges, la vérité a éclaté, et l'amitié n'a pas bougé. Une immense vague de bonheur envahit la salle des pains perdus.
Mr Aristide écrase une larme, rentre dans son fournil et un peu plus tard, on entend un air d 'opéra italien.











jeudi 22 décembre 2011

I luv U all - une nouvelle de Zec


Octave est assis sur la chaise en bois de la cuisine. Il est attablé devant sa tasse de café. Vide. La cafetière italienne lui donnera bientôt le breuvage salvateur.
Octave a allumé une cigarette qu’il fume paresseusement.
Il tire sur le clope à intervalles réguliers, le coude posé sur la table.
Octave fume de la main droite, ce qui n’a aucune espèce d’importance pour la suite des événements.
Il est assis et fixe le calendrier depuis un long moment. La case du jour est entourée d’un gros cercle rouge.
 Derrière lui, la pendule égrène les secondes.
Ça fait tic tac. C’est rassurant.
Le chat ronronne, sa masse posée sur la table. Lui aussi trouve le temps long, mais il se taira. Il se contente de regarder Octave.
Ce dernier écrase sa cigarette dans le cendrier.
Son regard se pose tour à tour sur le chat, le calendrier, le chat … c’est agaçant.
Alors le chat saute de la table et s’en va.
Octave se lève, les pieds de la chaise raclent bruyamment le plancher. Il verse le café dans sa tasse, regarde par la fenêtre, boit une gorgée, regarde de nouveau :
Le jour s’est levé
Sa quête peut commencer.

Il enfile sa veste de tweed celle qui a des coudes aux manches, ajuste sa casquette, noue son écharpe et se rend à la poste. Rien n’est ouvert, mais avec un peu de chance, son ami Donatien sera là en train de fumer à l’arrière du bâtiment avec Ivan. Octave fait le tour, enjambe la grille et trouve Ivan, seul :
-       «  Tiens mais c’est l’grand !! que viens-tu faire ici ? en manque de tri l’ami ? »
-       «  Bonjour Ivan, je cherche Donatien ? je pensais le trouver ici avec toi. ; »
-       « Non, l’ami, Donatien a disparu depuis un moment… je lui dis de passer chez toi quand je le vois »
-       « Merci mais ce sera trop tard, j’avais besoin de ses conseils… »
-       «Je peux t’aider ? »
Octave, retira ses bésicles et avec son mouchoir de batiste essuya la buée qui s’était formée. Il gardait la tête baissée, pesant le pour et le contre … en parler ou pas. Après tout autant se lancer/
-       « Ivan, crois –tu aux anges ? »
-       « Euh, les trucs blancs avec des ailes et tout et tout ? »
-       …….
-       « qui volent ? »
-       « Oui »
-       « Non »

Laissons Octave et Ivan se regarder interdits pour donner au lecteur des pistes de compréhension. Octave a rencontré un ange la semaine dernière. Et cet ange lui a fait une demande. Et Octave a accepté. Je vous entends vous gausser, mais j'aimerais vous y voir vous. C'est facile de faire les malins, on verra quand vous vous retrouverez face à un ange !
Octave se souvient de la demande de l'ange et c'est un gars loyal Octave, alors il aimerait bien réussir. L'ange s'appelle Alia, sans ailes et tout et tout. Mais c'est un Ange. Octave en est sûr.

Il se souvient de son rire, des boucles rousses de ses cheveux, de l’odeur de chèvrefeuille laissée dans son sillage et  du  bruit de ses pas quand elle est partie en lui chantant sa demande !
Elle n’était que cascades, rires, insouciance et légèreté et il voulait qu’elle revienne. Il a jusqu'à minuit pour tout réaliser. Il sait que c'est totalement loufoque et incertain mais il veut  le faire. Octave fait partie de ces gens qui font constamment des paris sur le quotidien, comme ne pas marcher sur les joints entre les pavés dans la rue...compter le nombre de gens portant chapeaux , parier sur le premier qui va s'envoler... donc Alia ne s'est pas trompée en le choisissant.
Retournons voir nos amis. Il est temps, nous sommes le 22 décembre, il fait froid dehors, et un héros malade ne me convient pas du tout.

Octave quitte un Ivan interloqué et triste. Voir son ami dans un tel état ne l'enchante guère. Il ne lui est d'aucun secours et le camarade Donatien ne le serait pas non plus.
Octave marche donc dans la rue avec cette certitude qu'il doit accomplir cette tache seule, un truc genre destinée.
Il est décidé, il va donc aller voir tou-te-s ses ami-e-s :

Il est maintenant 8H00 du matin, du monde dans les rues, ça ne va pas être facile.

D'abord, la peinture. Octave va chez Aristide et le leste de  seaux, de pinceaux. Il a  emprunté la charrette d'Ivan, et il charge, il charge. Ensuite il se rend chez Jeanne la couturière du coin de la rue Broquet. Il lui demande un igloo : Jeanne tape des mains, sautille de joie, fait des bonds....Elle est tout petite Jeanne, elle semble comme engloutie par les rubans et les tissus qui l'entourent. Elle plonge dans les paniers, sort une bobine, la remet, sourit à Octave, replonge, rit encore, trouve cette journée tout simplement merveilleuse.
Octave extirpe sa montre gousset de sa poche, il est déjà 11H00.
Jean, l'amoureux de Jeanne, (et oui!), lui a préparé du café. Tous les deux gardent le silence tandis que Madame Pique-sans-fin se démène joyeusement. De temps en temps, un client passe la porte de l'atelier et s'entend répondre :
-        « c'est fermé, aujourd'hui je travaille pour l'amour »
Une heure plus tard, Octave serre fort son amie dans ses bras. Ce que Jeanne  lui a offert dépasse et de loin ses rêves les plus fous.
Jean enveloppe le précieux présent dans du papier-de-soi. Jean est papetier. Il a inventé une machine à fabriquer le papier-de-soi. C’est assez simple comme principe : vous lui décrivez la personne à qui vous voulez faire un cadeau, et de sa machine sortent des bandes de papier qui collent à la personne. Ce matin, l’atelier embaume le chèvrefeuille.

Il est temps d’aller se restaurer.
Octave pousse sa charrette à bras jusqu’au fournil d’Aristide.
Il est sur le pas de la porte, ça sent le sucre, la farine et la cannelle.
Octave mord dans la brioche  que son ami lui tend.
Et expose sa demande.
Les yeux d’Aristide roulent comme des billes, ses bacchantes frémissent. Son ventre, qu’il a de proéminent se soulève aussi régulièrement que sa poitrine et ce qui devait arriver arriva. Aristide éclate d’un rire si tonitruant que ses élèves s’arrêtent de travailler…
Il est rare d’entendre Monsieur Aristide rire, mais quand cela arrive, c’est toute la vie qui reprend ses droits.
-       « Ravi de t’avoir fait rire », l’interrompt notre Octave, vexé
-       «  Mais, non, tu ne me fais pas rire, tu éclaires ma journée », dit Aristide avec bienveillance, «  viens, c’est par là que ça se passe, j’ai exactement ce qu’il te faut »
Et Aristide emmène Octave dans sa pièce, et là sur des tables, des dizaines de meringues attendent d’être croquées.
Le pâtissier appelle ses élèves, tous emballent les sucreries et les déposent dans la charrette d’Octave.
Aristide le regarde avec malice et Octave rentre chez lui.

Il ouvre la grille, traverse le jardinet, et dépose sa charrette devant l’escalier à double révolution. Il va maintenant hisser tous ses trésors. Cela lui prend du temps, il fait froid, un pâle rayon de soleil peine à le réchauffer. Octave ne voit pas le temps passer.
Il transforme sa maison.

La nuit tombe, sa maison éclaire la nuit.
Tout est blanc, lumineux, argenté.
Octave a repeint tout l’extérieur d’un blanc laiteux, il a recouvert toutes les fenêtres et tous les murs des voiles confectionnés par Jeanne pour offrir un igloo à la belle Alia.
Les meringues attendent, blanches elles aussi.

Cependant, Octave sait qu’il manque quelque chose d’essentiel pour qu’Alia revienne.
Il se remémore la scène et  les paroles résonnent :
-       « Blanc, je veux blanc, tout blanc »  avait elle dit avant de disparaitre dans un grand éclat de rire.
Et là pour Octave tout s’éclaire à nouveau.
Alia savait qu’il ne pourrait y arriver seul, alors elle lui a donné un défi pour qu’il appelle ses ami-e-s.
Octave court de maison en maison, prévenir ses ami-e-s. Tou-te-s doivent venir afin que l’ange réapparaisse.
Et tous viennent, tous se déplacent.
Et plus ils arrivent, plus la nuit tombe et leur présence éclaire le jardin ; On sort les voiles, on dresse les tables, on apporte les victuailles On commence à chanter, les rires fusent, et plus ils rient, plus la nuit s’éclaire.
Octave est heureux, il s’assoit en bout de table, et regarde tou-te-s ses ami-e-s.
A minuit, c’est l’hiver, enfin, et personne n’a froid.
On sonne à la grille.
Le silence se fait.
Octave se lève, va ouvrir.
Elle est là.

mardi 20 décembre 2011

On n'achève pas les orthos par Zèc




Le réveil sonne, elle l'éteint . Elle ouvre un œil. Se soulève sur un coude, regarde par la fenêtre. C'est tout blanc. Il a neigé. Sa tête retombe sur l'oreiller . Elle sourit, elle se lève, sautille pieds nus sur le parquet , elle frissonne passe sous la douche. Elle revêt une robe de laine, une paire de collants colorés, qu'elle recouvre de hautes chaussettes noires. Fait chauffer l'eau pour le thé , allume son téléphone.

Il a enfilé un jean brut, un pull lover de laine à col en V. Son duffle-coat est bleu marine . Il sort de la chambre . Il s'approche doucement dans la cuisine. Son homme aime les matins calmes. Lui aussi. Le café est prêt dans sa tasse, non sucré, sans soucoupe, comme il l'aime . Ils se regardent, se sourient . Eux seuls savent pourquoi. Ils s'embrassent, quittent l'appartement et allument leurs téléphones.

Son mari l'a appelée très tard . De la « piazza navona » «  tu sais, là où on avait mangé une glace cet été ». Elle aime qu'il l'appelle quand il est loin, elle aime sa voix dans la nuit. Elle a décroché le téléphone, s'est enroulée dans sa couverture, noyée dans les coussins du canapé.Le chat est venu se pelotonner à ses pieds, à sa place. Elle s'est endormie dans les coussins, en pensant à lui. Le jour qui perce à travers les persiennes l'a réveillé. Elle s'étire paresseusement, le chat miaule en sautant du canapé . Elle attrape son téléphone. Déchargé . Elle jure en italien. Court chercher son chargeur. Elle branche l'usb et attend que le voyant clignote vert. Pendant que cela charge, elle prépare ses vêtements, dress code noir ce matin. Doit bien avoir un cashmere qui traîne sous la pile.

Il est dans la salle de bains, il se rase, sa fille aînée toque à la porte, avec insistance. Il sourit. Il continue à se raser . Il a respecté le planning, c'est lui qui l'accroché à la porte. Et comme c'est lui qui l'a rédigé il sait qu'il n'a pas pu se tromper . Ce créneau c'est le sien . Son adolescente peut bien attendre. Et puis, elle passe quand même beaucoup de temps en ce moment dans la salle de bains . Sur son étagère il a vu des fards à paupières et du rouge à lèvres, là où il y a encore quelques mois ne traînaient que des pinces à cheveux. Il se dit qu'il faudrait en parler avec à sa femme, mais il rentre tard en ce moment, comme tous ses collègues . Il entend Lili qui tambourine de nouveau. Il se rend, il veut pas se fâcher, pas ce matin. Il enfile un pantalon noir, un pull noir aussi. Descend l'escalier, embrasse sa femme, monte dans sa voiture , met l'oreillette et allume le téléphone.

Elle a pris le train, pour aller plus vite . Mais elle n'est pas seule .Ils sont nombreux dans le TER, ce jour là. Ils se connaissent tous. Ils ont déjà froid mais ce n'est pas grave . Ils ont leurs tracts et leur carnet de chants. On entend les rires résonner dans tous les wagons . Le contrôleur a souri avec le billet de groupe . On entend les cloches tintinnabuler. Elle est debout, elle les regarde, elle est là, elle est contente . Elle n'est pas inquiète . Elle l'est rarement . Et puis là elle est fière .

Il est prêt , il les attend, son appareil photo en bandoulière . Il veut faire de belles photos, il veut que ça ait de la gueule, comme d'habitude !! Il les voit arriver de loin . D'abord il les a entendus.
Il sourit, il mitraille. Ils chantent.

Elle est déjà dans le métro, elle a rendez vous porte de clignancourt. Son gilet haute visibilité est roulé en boule dans son sac à dos . Trop la honte. Elle a mis des doc hautes, les 20 trous, celles qui font qu'on court plus vite . Et puis c'est des vrais, à l'ancienne, pas les nouvelles avec la fermeture éclair. Non les 20 trous, ça se mérite, ça se lace de bas en haut. Elle a changé les lacets ce matin . Elle a mis les rouges. C'est Paul qui les lui a donnés ,le vendeur de disques du bas de la rue. Elle pense à Paul, il est mignon Paul .Elle a promis de lui envoyer un SMS après. Et peut-être elle l'invitera à boire un verre après. C'est sûr, elle préférerait que ce soit lui. Et si il dit non ? Elle aura l'air stupide …. Mais ce matin, elle est heureuse dans le métro. Elle regarde les stations défiler et son cœur bat de plus en plus vite. Elle voit de plus en plus de bouts de tissus jaunes qui dépassent des sacs......

Elle est en retard, comme souvent mais là c'est pas possible. Elle a déposé les enfants à l'école et elle a rejoint ses collègues dans la maison de l'un d'eux . Elle fait de grands gestes avec la main gauche. La droite tient son téléphone collé à son oreille. Elle parle en marchant. Son débit est identifiable entre tous. Elle saccade les mots, elles les chante en fait. Même quand elle parle anglais. Ce qui la rend compréhensible de tous. Sauf en anglais. Ses collègues se marrent car elle plisse les yeux devant son écran de netbook et qu'elle dit : « non, c'est pas pos – si – ble ça, il a pas dit ça quand même » . Elle s'arrête, elle les regarde tous et elle leur dit «  vous imaginez même pas combien on sera » . «Ça va être génial !! ». Et elle sourit !

Il est maintenant 14H00
Nous sommes le 14 janvier 2012
les portables de tou-te-s les militant-e-s orthophonistes ont sonné. C'est eur signal . Ils ont dit qu'ils s'appelleraient quand ça commencerait, pour être ensemble.
Ils sont dans les rues, avec leurs patient-e-s
Ils n'ont rien lâché
Ils ne lâcheront rien.

mercredi 30 novembre 2011

Moeglus #2 suite et fin


« Hopkins » !!!!! Une voix surgit de nulle part et permis à Antoine de sortir de sa torpeur. Le froid engourdissait les membres mais on s’y habituait. Il ne fallait surtout pas relâcher sa vigilance. Ne pas s’endormir pendant sa garde, maintenir l’échelle debout, regarder le fil se dévider, veiller, toujours veiller…
Antoine comme les autres subissait maintenant les assauts de la zone froide. L’absence de lumière commençait à le rendre fou. Le fait que ce soit  Alexia qui soit  en haut de l’échelle n'arrangeait rien. Son cerveau revenait sans cesse à cette journée d’arrestation commune, ce jour noir sans comprendre comment ils avaient pu être pris dans ce piège grossier. Et pendant les rares moments de sommeil, les séances d’interrogatoire repassaient douloureusement dans sa tête.
Entendre son nom prononcé dans cet  univers avait quelque chose de surréaliste !!!
Qui l’appelait ? Qui pouvait le reconnaître ? Qui avait assez de cran ou de pouvoir pour briser la loi de l’anonymat ?
Antoine tourna la tête et manqua de s’évanouir.

Mode d'emploi de Moeglus et Donatien - de la part de Zèc

Un post explicatif...
Les nouvelles ne se croisent pas, ne se répondent pas.
Ni Sécotine ni moi ne nous communiquons des infos sur nos nouvelles.
Le seul impératif fixé est celui de finir à Noël....
Nous ne nous imposons aucun rythme, aucun nombre de caractères, sauf moi qui veut atteindre les 50000 car j'ai abandonné le nanowrite et que c'est aussi un entrainement pour l'an prochain....
De ce fait, je publie au fur et à mesure que j'écris, l'histoire est dans ma tête mais je ne modifie pas l'ordre dans la publication.
J'ai aussi cette sensation de vous livrer les brouillons de ma tête. C'est un exercice beaucoup plus périlleux que je ne l'imaginais et assez hallucinant parfois...
Il y a aussi des fautes, des erreurs de syntaxe, de grammaire, que je reprendrais un jour...
merci pour votre indulgence

dimanche 27 novembre 2011

Donatien # 2 - Ivan

Pendant plusieurs jours, il ressassa l'évènement. Il en arriva à une conclusion toute simple, mais qui restait incroyable. Il se résolu à renouveler l'expérience pour tester la validité de son hypothèse. 
Il choisit avec soin son cobaye : Ivan. Ce préposé au classement des colis postaux semblait tout indiqué : il travaillait en solitaire et ne se mêlait pas trop aux discussions entre collègues. 

Un matin, à l'heure de la pause, Donatien le rejoint dans la courette à l'arrière du bâtiment où les employés étaient autorisés à fumer une cigarette. Ivan venait tout juste d'allumer sa gitane. Le ciel était gris et maussade, le genre de temps qui laisse à penser que la météo avait la flemme et qu'elle avait enfilé les mêmes vêtements que la veille, un peu froissés et pas très nets. Donatien salua Ivan, Ivan lui répondit et évoqua la météo, puisque toutes les discussions formelles doivent commencer ainsi d'après la loi universelle des échanges humains quand on n'a rien à se dire. Donatien débita tout à trac une citation ampoulée de Malarmé sur l'azur, cet azur qu'on voyait si peu dans leurs contrées nordistes. Ivan le regarda comme s'il était tombé sur la tête. Donatien éclata de rire et lui posa nonchalamment une main sur l'épaule. Un geste de connivence : quelle blague, hein ? Ivan restait interloqué. Donatien changea de sujet, et, la main reposant toujours sur Ivan, il lui demanda s'il avait vu cet oiseau, là, un petit oiseau gris, qui s'était envolé du toit au moment précis où il allumait sa cigarette... Le regard d'Ivan se troubla. Aussitôt Donatien retira sa main et le salua de nouveau. Ivan sursauta et lui rendit son salut en souriant : il ne l'avait pas vu sortir. Quel temps, hein ? Fait gris...
Aucun malaise, pas la moindre allusion à son délire poétique sur le bleu du ciel, sur l'oiseau gris. Pas le moindre souvenir, en fait. Donatien souriait en l'écoutant parler de la météo pour la seconde fois en trois minutes.

Donatien # 1 - Josie

Non, Josie n'avait pourtant rien à voir avec les jolies filles de magasines. Elle n'était ni plus intelligente, ni plus gentille qu'une autre. Mais les circonstances firent que...

Josie, donc, de son vrai prénom Joséphine (mais cela faisait des années que seul les courriers officiels l’appelaient encore ainsi), 72 ans, se trouvait ce jour-là à la poste de Saint-Omer, la grande, celle située à deux pâtés de maisons de chez elle. Elle faisait la queue pour acheter quelques timbres et envoyer un petit colis à un de ses nombreux petits-neveux. Une petite boite de chocolats, rien d'extraordinaire, mais elle avait glissé dedans un billet "Oh, juste un petit" comme disent toutes les mamies qui gâtent trop leurs proches, 50€ pour "s'acheter une bricole qui te fera plaisir". En attendant son tour, elle arborait le même sourire que si ce petit-là, 1m87 et tout en jambes et en bras qui semblaient trop longs pour lui, se tenait en face d'elle en train d'ouvrir son paquet. Josie faisait partie de ses gens qui n'aiment rien tant que faire plaisir aux autres. Elle rêvassait en attendant son tour. 

Donatien, lui, avait fini son service et se préparait à rentrer chez lui. En quittant la poste, il tint la porte à un jeune homme en jogging qui entrait. Un cri, un bruit de chute, et la porte s'ouvrit à nouveau pour laisser passer le même jeune homme, un sac à la main et un petit colis sous le bras courant comme un dératé. Josie avait été détroussée, assez violemment car elle avait résisté, plus par réflexe que par bravoure, et c'est Donation qui fut le premier à ses côtés.
Il se sentait un peu coupable d'avoir laissé passer son voleur deux fois, à l'entrée et à la sortie, même si, aurait-il réagi à temps et l'aurait-il voulu, il n'aurait rien pu faire : le joggeur-voleur courrait vite et était déjà loin. 

Donatien fit s'assoir Josie, lui tint la main et lui parla tout doucement pour la calmer. Préparant l'arrivée des policiers appelés par ses collègues, il demanda à cette petite dame tremblante ce qui s'était passé exactement, et à quoi ressemblait précisément son agresseur. Josie était bouleversée, elle avait du mal à organiser ses pensées. Donatien pensa l'aider en l'incitant à se plonger dans ses souvenirs, au moment précis où le jeune homme avait fait irruption alors qu'elle attendait, dernière de la file d'attente. Le regard de Josie se voilât soudainement. Elle resta un moment silencieuse, puis sursauta, comme au sortir d'un mauvais rêve. Elle dévisagea Donatien comme si elle le voyait pour la première fois. A sa décharge, ça n'était techniquement que la seconde fois de sa vie qu'elle croisait son regard et, on l'a déjà dit, Donatien n'était pas du genre à marquer les esprits. Elle lui demanda ce qu'elle faisait là, assise pas terre. Son dernier souvenir remontait à son attente au guichet.
Les personnes présentes pensèrent aussitôt à la maladie d'Alzheimer, au choc de l'agression... Mais Donatien resta perplexe. Elle avait pourtant l'air d'avoir toute sa tête, avant.

Avant...

Donatien # intro - présentation.

Il avait toujours eu une existence solitaire, pas grand monde pour lui tenir la main.
Il avait toujours eu une mémoire d'éléphant, pas beaucoup d'occasion d'oublier sa tristesse. 


A l'âge de 27 ans, Donatien Garmalson, guichetier à la poste centrale de Saint-Omer, Pas-de-Calais, ne connaissait des week-ends en famille et des soirées de couple délicieuses que ce qu'en racontaient ses collègues à la pause déjeuner. Cela ne lui manquait pas.
Pas trop.
Il avait une trop bonne mémoire pour oublier que bien souvent, derrière la mauvaise humeur, la fatigue ou le coup de blues de ses collègues se trouvait une histoire en lien avec la moitié, ou les enfants, ou les parents, ou même les trois. Il aurait préféré oublier tout cela, pour mieux profiter des opportunités qui s'offraient à lui : le charmant sourire de cette jeune fille par exemple, hier, au guichet, et son invitation à peine voilée... Tentant. Mais il se rappelait cette même jeune fille, deux mois plus tôt, virulente et vulgaire, se disputant dans la rue avec son copain de l'époque. Merci, mais non merci. 


C'était un jeune homme qui correspondait tout à fait à la règle du ni/ni : ni petit ni grand, ni moche ni beau, ni maigre ni gros... Le genre de personne dont on ne retient jamais la couleur des yeux (Marron ? Oui, sans doute marron, la couleur universelle des yeux auxquels on ne fait jamais attention), ni des cheveux (vraisemblablement une nuance de châtain, mais laquelle...). Le type dont on ne retient qu'un détail extérieur à lui-même : celui qui est au guichet à côté de la borne automatique, celui qui a le même pull que untel, celui qui était devant moi à la caisse du supermarché...


Donatien s'était donc résigné depuis bien longtemps à traverser la vie en spectateur désabusé et solitaire, jamais sur scène et toujours un peu à côté, quand Josie vint changer tout ce fragile équilibre.

"Bloup bloup" fait le poisson dans l'aquarium de Zec.

Je suis un poisson. Et d'un coup de tentacule, me voilà dans l'aquarium de Zec, et ça va, ça se passe plutôt bien ! De toute façon, c'est le genre d'aquarium où l'on trempe une nageoire avec plaisir avant de faire plouf : après avoir côtoyé Zec par réseaux sociaux interposés, un jour, schlaaaack, on a fini par se rencontrer, avec le poulpe hyperactif. C'était marrant. Le genre de rencontre étrange où tu as pour la première fois en face de toi quelqu'un que t'as l'impression de déjà connaître, ça fait bizarre. Et v'là t'y pas que, en plus de tout ça, on a toutes les deux l'envie d'écrire des trucs, dis-donc ! Mais si je fonctionne mieux sous pression, je ne réagis jamais autant qu'à celle que je me mets moi-même... Alors un bon coup de tentacule pour finir une nouvelle bien accompagnée, tu parles que ça me tente ! Le NaNoWriMo est trop hard-core pour moi ? Qu'importe, avec Zec, on va se faire notre NaNo à nous, qui n'a plus rien d'un NaNo du coup, mais on s'en fout ! C'est partiiiiiiiiiiiiiiiiii !!!!

Moeglus # chap 2 les repriseurs de couche d'ozone

Extreme Nord de la ZonEurope, Zone froide

Et sans cesse, ils recommençaient.   Combien étaient-ils ?
1000 2000 3000 10000 nul ne saurait
Ils étaient une légende
Un mythe
Un concept
Une  a-réalité.
Le fruit du délire d'un dictateur en mal d'émotions fortes. La réalisation d'un fantasme d'une rare perversité
Et cela se déroulait loin, au-delà de toute civilisation, au -delà de toute humanité possible. Dans la zone très froide. Le pays des loups et de la  nuit. De la terre aride et de l'absence de végetation. Un paysage en noir  et blanc. La terre et le ciel. La glace et la nuit.
Et sur cette terre, des hommes, minuscules tant leur attirail était nombreux et vaste.
Ce qu'on voyait ?  nne perspective hallucinante d'échelles à perte de vue. Des hommes, des  femmes disparaissant sous des couches d'habits ; Des silhouettes informes toutes munies d’échelle, de fil et d'aiguille dont la tâche était de réparer la couche d'ozone ;
On les appelait les repriseurs de couche d'ozone car c'est à cela qu'ils étaient condamnés.
Monter sur l'échelle, y accrocher une autre échelle, et encore une autre, soutenir les autres condamnés qui montaient dans le froid. Jusqu'à ce qu’ils disparaissent en haut, dans la nuit, maintenir les échelles accrochées les unes aux autres pour que les camarades ne tombent pas de l'autre coté de la nuit. Ne pas être celui qui condamne l'autre à la mort ; Maintenir coûte que coûte les échelles ensemble. Veiller à ce que les barreaux ne glissent pas. Garder les gants, de temps en temps les remplacer par des mitaines, mais pas trop longtemps : les  doigts gèleraient trop vite et empêcheraient la bonne tenue des éléments. Ceux qui avaient perdu leur doigts en captivité, préféraient repriser que de tenir pour ne pas condamner l'un des leurs.
Bouger les orteils régulièrement dans les chaussures et fixer  ce qu'on fait.
Garder le fil sans le couper, bobine indéfiniment déroulée jusque là haut tout là haut dans le noir. Il pouvait se passer des heures,des jours,  des semaines sans que l'un d'entre eux ne redescende.
Et quand ils redescendaient t, rares étaient ceux qui restaient les mêmes. On le voyait à leurs yeux. Les nouveaux interrogeaient les anciens, qui ne répondaient pas. Dans leurs yeux, on lisait la folie du monde.
Nombre de ceux qui descendaient perdaient l'esprit, se laissaient envahir par la mélancolie, la démence, l'apathie ou l'indolence. Ils ne bougeaient plus se condamnant alors eux-mêmes à la mort. Leurs compagnons récupéraient alors leurs effets personnels, avec un respect étonnant dans ce pays de non-droits :
Les chaussures allaient aux nouveaux – venus qui allaient devoir tenir debout dans une immobilité pendant de longues heures, les gants et tout ce qui pouvait faire office de couvre chefs allait aux futurs éclaireurs qui allaient devoir monter dans la nuit.
Les pauvres hères n'avaient pas grand chose d'autre à partager...
Ensuite les corps étaient empilés à la lisière du camp pour servir de mur de protection face aux loups.

Antoine s'accroupit près de son échelle et prit du temps pour réfléchir. La situation le mettait dans une douce folie.
4 semaines qu'il tenait l'échelle pour Alexia. Alexia était montée depuis 4 longues semaines sans que le fil ne soit coupé. Elle n'avait donc pas basculé, elle était donc vivante. Mais qui pouvait encore rester vivant au bout de temps de temps là -haut ? Si elle redescendait ce serait dans quel état ? Ne valait -il pas mieux qu'elle meure. Antoine ne voulait pas perdre Alexia, une partisane la paix arrêtée en même temps que lui à Paris. Il s'estimait coupable de son arrestation et l'avait protégée de son mieux depuis.
Antoine ne cessait de repenser à ce jour gris dans Paris et plus encore à son parcours... lui tombé d'un seul coup dans la résistance.

Antoine s'était fait prendre par la milice à Paris plusieurs semaines auparavant. Des semaines qui lui paraissaient des mois. Antoine avait rendez vous à la planque parisienne avec d'autres Indignados.  Les Kraken l'avaient averti qu'Hardin voulait le rencontrer chez Moeglus ; ce n'était donc pas un rendez vous anodin, cela signifIait autre chose. Antoine était entré en résistance, 5 ans auparavant, le jour où il avait vu tous ses amis disparaître en une journée. Une rafle, incroyablement bien organisée, comme savent bien le faire les Bottes noires, évidemment qu'il y avait des délateurs mais on ne réussissait pas à les localiser. 
Pour ces deux raisons Antoine avait rejoint le Reso. Pas seulement rejoint, il avait été un des initiateurs de la réunion de tous les acteurs principaux. Il avait fait de nombreux allers retours entre la ZonEurop et la ZoneAfriK, fait halte chez de nombreux militants sur son parcours, convaincant sans relâche les uns et les autres de l'utilité de s’unir.
C'est en ZonAfrik que les partisanes de la paix étaient les plus nombreuses. Autant elles étaient encore assez libres au sud, autant c’était trop risqué pour elle de migrer en ZonEurope, Cependant Alexia elle aussi effectuait des allers retours et accepta donc de s'installer à Paris.
 Très vite, Antoine par son franc parler, son audace et son charisme enétait devenu un élément fondamental chez les Indignados vite repéré par Hardin, qui suivait son parcours par les informations données par les krakens. Son sens de l'improvisation, son inventivité en avaient fait un lieutenant de choix. Hardin et Antoine ne s'étaient jamais rencontrés. Antoine s'était fait arrêter à Paris tandis qu'Hardin était retenu à Amsterdam.
Ce jour là Antoine avait rendez vous avec Alexia dans un café. Il refusait de s'avouer qu'il était heureux que ça soit elle.
Il la repéra assez vite : petite et mince, elle était dissimulée sous un accouttrement bizarre, des pans et pans de tissus accumulés et son visage disparaissant  sous une capuche.

Moeglus # chap 1

Amsterdam Jardin botanique -

Hardin se releva difficilement et retomba immédiatement. Tel un pantin inarticulé. Il préféra s’asseoir et regarda autour de lui . Sa vision était brouillée et il mit un temps à s’accommoder à l'obscurité . Il était adossé à un mur, les jambes allongées devant lui . Son premier réflexe fut de regarder l'heure . Hardin portait une montre gousse à remontoir des temps préhistoriques il la chercha dans sa poche et ne la trouva pas . Péniblement il tira sur la chaîne qui la reliait à sa ceinture et la sentit poisseuse . Il la jeta avec dégoût . IL se reprit, mit la main à sa bouche et goûta ses doigts : du sang. C'est alors qu'il réalisa que son pantalon était trempé, tout comme ses chaussures et son dos . Il s'appuya sur le mur, pour se relever car la nuit environnante ne lui permettait pas d'utiliser ses fonctions habituelles. Il restait dos au mur, figé dans un assourdissant silence. Sa tête cognait, mais il n'avait pas le temps d'écouter sa douleur . Il lui fallait avancer, comprendre ce qui se passait et tout ceci dans l'obscurité la plus totale. Pourquoi cette mare de sang, pourquoi ce silence, pourquoi ce froid, pourquoi cette nuit.
Hardin avait rendez vous avec Hopkins chez Moeglus, il avait quitté Londres la veille et là, à Amsterdam, s'était rendu chez son ami Hector pour s'informer de la tenue des combattants hollandais. Il avait laissé Hector et décidé de jouer au touriste pour tromper la surveillance des Bottes Noires . Le jardin botanique lui plaisait, Hardin n'était pas du genre nostalgique, les actes de résistance ne faisaient pas bon ménage avec le mélo, cependant, cet endroit éveillait en lui de délicieux souvenirs d'une vie maintenant révolue, Un temps pas si ancien au cours duquel , il s'était nonchalamment promené avec une femme à son bras, riant et devisant indifférent au monde qui l'entourait. Depuis, cette femme comme toutes les autres avaient disparu. Les rafles des Bottes Noires avaient contraintes les survivantes à se terrer . Les seules femmes non sexagénaires qui sortaient sans crainte étaient des membres de la garde de Valborat, des fonctionnaires du SEEG, ou encore des membres de la milice des Bottes Noires ; Valborat avait transformé le paysage urbain en une foule uniforme vieille et grise qui attendait la mort.
Harding longeait le mur en tâtonnant . De temps en temps son pied heurtait quelque chose de dur , ou au contraire mou et spongieux ; Harding savait ce qu'il en était : des cadavres, que des cadavres....
Ses jambes heurtaient des vitres, du verres, des bouts de chaises ou de tables renversées .Il se murait dans le silence pour ne pas hurler quand il entendait les os des mains qui craquaient sous la semelle de ces pieds : la serre était devenu un immense ossuaire. Plus Hardin avançait, plus l'odeur du sang devenait entêtante. L'envie de vomir était annihilée par la peur de se faire prendre par la milice, jamais très loin dans ce genre d'événements . Cependant ce silence alertait Hardin : pas de détonation alentour, pas de bruit de bottes, pas d'ordres hurlés, pas de sirènes. Mais que se passait-il ?
Soudain une goulée d'air, soudain plus de mur auquel se raccrocher mais du vide. Hardin se retourna prudemment et sortit. Ses yeux s'étaient habitués à l’obscurité. Il percevait des mouvements mais il savait qu'il n'étaient pas humains.  Son séjour de 3 mois dans les geôles d'Odalisk lui avaient appris à faire la différence entre tous les bruits ambiants.
Sûr qu'aucun militaire ne le surprendrait aux environs, Hardin se détendit, évalua la situation et fit l'inventaire de ce qui lui restait. Miraculeusement , il n'était que peu blessé : quelques contusions, peu de plaies, rien de cassé. Ses vêtements étaient déchirés et sales, sa montre cassée. Il lui restait son ID , (fausse) certes mais en ordre, et aucune blessure n'avait ouvert les poches  sous cutanées qui renfermaient  les  puces de connexion avec Moeglus,le Maître et certains membres du réseau.
Autour de lui tout n'était que Silence et nuit La mort avait frappé, à grande échelle en plus. Il fit le tour du bâtiment pour s'en assurer : il contourna des cadavres, et plus surprenant des miliciens morts. Il récupéra une trousse de secours, une lampe de poche, des vêtements propres, des cartes de traverses Europ/Afrik valides et non nominatives, quelques armes, des codes de connexion à transmettre aux Kraken, de la nourriture ;
C'est fou ce qu'une centaine de morts peuvent vous apporter comme moyen de survie, il en parlerait à Moeglus, humaine non modifiée ô combien essentielle à leur survie à tous, qui appréciait son cynisme
Oui, il fallait qu'il contacte Moeglus et le Maitre. Il fallait sortir de là et s'assurer que les membres du RESO étaient en vie.
Il marchait donc d'un pas assuré vers la ville pour trouver une borne de connexion , quand il la trouva, il demanda un titre d'Elvis, son identifiant pour Moeglus, attendit que la connexion se fasse, quand il se trouva nez à nez avec un loup.

Moeglus # intro bis

Chapitre 1 : 5h00 après la Grande Nuit


Un étrange signal alerta Moeglus qui passa de l’état de veille à l’état de réveil total. Elle passa son siège en position assise et vissa son casque sur sa tête pour prendre connaissance des dernières nouvelles.
Ce signal la dérangeait. Jamais le RESO n’en n’avait émis de pareil. Moeglus centralisait et dispatchait les échanges entre les militants des Indignados fédérés en un RESO discret mais efficace depuis des décennies.
. Certains soupçonnaient d’ailleurs Moeglus d’être un Kraken , mais dans ce monde, c’était pire, Moeglus était un humain non modifié . Personne n'avait réussi à comprendre les raisons pour lesquelles Moeglus , le Maître  et les Kraken arrivaient à communiquer .Ni comment . Ni pourquoi.
Et à vrai dire, peu s'en souciaient .Moeglus était devenu leur moyen de communication et beaucoup oubliaient même qu'elle était humaine . Peu d'entre eux l'avait vu et pour la majorité d'entre eux elle était une légende . Quant au Maitre seuls les chefs de la résistance le connaissaient, Hardin au Nord et Hopkins au Sud .


Le signal s’arrêta, Moeglus inclina son fauteuil et entra en contact avec le Maître par la seule force de la pensée .
-       Maitre, il se passe quelque chose d'étrange
-       j'ai entendu Moeglus, et tout ceci ne présage rien de bon
-       avez vous des nouvelles de Hopkins et Hardin ?
-       Rien Moeglus, rien nulle part, j'ai bien peur que le pire soit arrivé
-      
-       Moeglus ?
-       …..
-       Moeglus ?
-       Je vous rappelle, je crois qu'Hardin veut me joindre.


Moeglus # Présentation

Où l’on fait les présentations

         Moeglus sourit intérieurement en songeant à ce que ses interlocuteurs dans la résistance pouvaient penser d’elle. Hors normes pour cette civilisation, elle serait morte si elle avait passé la porte de son œuf. 
Agée de 12 ans lors du dernier renversement de pouvoir de la ZonEurope, Moeglus avait vite compris que penser dans ce nouveau monde était encore plus dangereux que dans le précédent. Ses géniteurs, qui, curieusement, avaient choisi de l’élever et non de la confier au S.E.E.G [Service d’Education et d’Enseignement Général], lui avaient permis de survivre physiquement et mentalement. Moeglus songeait parfois à son existence d’avant mais la boule qui montait dans sa gorge non modifiée l’empêchait de la faire trop souvent. Cependant, cette boule avait le mérite de lui rappeler que sa maîtrise des émotions était trop aléatoire et encore inefficace. En parler au maître devenait nécessaire.  Connaissances lacunaires, aléatoires qui ne lui étaient d’aucun secours dans ce nouveau monde. Encore une raison de ne pas quitter l’œuf.
                                                                                               
Valborat était serein du haut du haut de son « Haut Château », il régnait enfin en maître absolu de ce nouveau monde. Un monde qui obéissait à ses régles aussi iniques soit elles. Il sourit en pensant aux pauvres petits dictateurs qui l’avaient précédé et qui, d’une certaine façon lui avaient transmis les clefs.
Le Château brillait dans la nuit. C’était la seule lumière de la zonEurope. Ceux qui vivaient en bas s’éclairaient à la lumière du jour et ceux qui avaient une source lumineuse accessible ne pouvaient s’éclairer que certains jours, certaines heures selon le bon vouloir de Valborat. Certes, pour connaître les jours et les heures autorisés, il suffisait de consulter les décrets édités par le Prince lui-même. Il fallait se rendre au Château, étage 222bis, escalier 8, niveau 3, bureau 1445 où un serviteur du Prince vous accordait le sésame tant désiré. Le service était ouvert 1H00, au delà de laquelle vous étiez tout simplement refoulé. Evidemment tout était filmé et le montage des scènes de batailles, d’errements et de cris amusait beaucoup Valborat qui les visionnait de temps en temps.
Humiliation, servilité, récompense aléatoire, traitrise, mensonges, flagornerie, séduction, corruption… Valborat avait oublié – s’il ne l’avait jamais su- ce que MORALITE et HUMANITE voulaient dire. Il descendait d’une lignée de princes manipulateurs, fourbes, puissants et bigrement intelligents. Même ses détracteurs – peu nombreux en apparence- lui reconnaissaient ces « talents ».
Le haut dirigeant était à la tête d’armées de serviteurs zélés, choisis parmi les meilleurs éléments façonnés par le S.E.E.G. Ses plus proches conseillers le craignaient autant qu’ils l’adulaient. En cercles concentriques de plus en plus éloignés le pouvoir se diluait. Tous avaient le même but : rester en vie.
En cette nuit, elle savait que comme elle, Valborat regardait au loin. Elle piaffait d’impatience  de sortir contempler les dégats et mettre son projet à l’œuvre mais  les portes blindées de sa résidence refusaient de s’ouvrir. 
Alors se leva dans le noir, brossa ses cheveux couverts de cuivre flamboyants qu’elle dressa avec sophistication .Elle posa sur son torse quelques bijoux cachant  difficilement  ses seins qu’elle avait d’opulents et de magnifiques. C’est ainsi que seulement vêtue d’une cape cousue de cheveux blonds, elle descendit dans les caves contempler les dernières prises des ses mercenaires. Quitte à attendre, autant s’amuser un peu pensait en descendant le long escalier de pierres. Les premiers cris de douleurs de ses prisonniers arrivèrent à ses et elle ne pu s’empêcher de  frissonner de plaisir.
Que ce monde allait devenir parfait
Odalisk exultait à la pensée de la terreur que son nom même provoquait. Valborat l’avait remarqué lors de ses premières expéditions en NouvelAfrik. Continent immense à qui lui et ses semblables avaient fait croire pendant des décennies qu’on s’occuperait d’eux et que leur parole serait écoutée entendue voire respectée. Qu’il fallait donc être naif pour croire pareille gabégie. Odalisque avait pu consulter les archives ultra sécrètes des siècles derniers et avait assez vite compris que, le chemin emprunté par Valborat était celui des anciens  dictateurs  avec ce petit plus que n’avaient pas ces prédecesseurs : Valborat avait modifié sa constitution génétique et dégageait une aura, un charisme et un érotisme qui venait la surprendre dans son sommeil.
Elle savait que pour survivre dans ce monde il fallait être aux côtés de Valborat . Alors elle fit tout ce qu’il fallait, collectant les informations nécessaires sur cet homme, ses alliés et ses ennemis .Certains soirs, au fond de sa résidence, elle pensait à ce qu’elle avait dû faire pour obtenir ces précieux renseignements et se promettait alors de faire venir à son service quelques gardes des archives pour se rappeler à leur bon souvenir, à un détail près. Ce serait elle qui tiendrait le fouet cette fois-ci.
Odalisk était aux yeux de ses obligés et même de ses ennemis un parfait mélange d’audace, de cruauté, d’intelligence, de perversité, un délicieux mélange d’attraction/répulsion agrémenté d’une absence totale de morale.
Quand l’avis de recherche de jeunes femmes pour la garde de Valborat avait circulé, Odalisk savait qu’elle devait absolument se faire remarquer du jeune chef en devenir qu’il était. Elle avait déjà quelques coups d’éclat à son actif qui n’étaient pas passés inaperçus du pouvoir (massacres de tribus, enlèvement d’enfants, trafic d’eau frelatée), et, dans les cercles décisionnels, son nom revenait, un peu plus souvent qu’avant.
La rumeur enflait. On parlait d’une femme belle et cruelle, des fables circulaient :- comme dans l’ancien temps- les mères disaient à leur enfant (si tu n’es pas sage Odalisk viendra nous prendre)
La rumeur faisait état de camps, de massacres organisés  et la rumeur avait raison.
A cette époque, l’entreprise d’Odalisk était circonscrite sur un petit territoire mis en devenant l’alliée de Valborat, elle pourrait l’étendre sur tout le continent et être prête pour la Grande Nuit.
Odalisk savait qu’elle pourrait plaire à Valborat par l’ingéniosité de son plan « la parthénogénèse »
La NouvelAfrik avait pendant des années servi de laboratoire expérimental à de nombreuses multinationales testant sur des populations leurs nouveautés afin de les améliorer avant d’inonder les marchés de la NewEurop. Cultures transgéniques, traitements médicamenteux avec effets secondaires violents, distribution de l’eau, produits dermatologiques, aucun domaines n’avait échappé aux têtes chercheuses de ces firmes. C’est sans peine qu’ils avaient convaincu les juntes militaires de s’associer à leur plan. La NouvelAfrique était depuis des centaines d’années la victime de la trilogie assassine « famine, guerre, épidémie ». Ses frontières redessinées au fur et à mesure des conflits de l’avancée des déserts et des milices en avait créé un bloc multipartite dans lequel la fin d’un conflit donnait naissance à un autre. Guerres larvées, succession de chefs, exécution sommaire, extermination de villages entiers, étaient devenues le lot quotidien de ce continent. Aucune difficulté pour les firmes très riches de négocier l’implantation de leurs « cliniques » les uns monnayant un oléoduc, les autres des logements, ou encore des collections d’armes…
Ainsi s’implantèrent des labos neufs et rutilants, des salles d’opération flambants neufs, des halls d’attente suréquipés en loisirs qui attirèrent des populations perdues en quête de quelques sous pour subsister.
Dans cette économie de troc, où tout s’échangeait (savoir, corps, peau, dents, reins) l’argent était encore et toujours un moyen de survivre mieux que les autres, même si la probabilité de finir égorgé était plus forte que celle d’en profiter.
Ainsi,  quelques années avant la grande Nuit, des femmes compétentes et accueillantes offrirent à des milliers de familles l’opportunité de gagner beaucoup d’argent très facilement ; Se rendre à la clinique, participer à une expérimentation rendrait service à la communauté.  Participer à un deuxième essai doublerait les gains, et amener d’autres participants  leur apporterait un gain supplémentaire de 20%
D’abord itinérantes ces docteurs se balladaient de villages en villages vêtues de blouses blanches et de cadeaux pour les enfants. Très vite le bruit se répandit et les docteurs n’eurent plus jamais à se déplacer.

 Certains, comme Odalisk avaient sur tirer leur épignle du jeu en commençant par de menus et discrets trafics, d’abord au sein de son village avant d’étendre son entreprise aux autres villages. L’intelligence d’Odalisk, à ce moment avait été de refuser de traiter avec les despotes locaux et de,tel le ver dans le fruit, se faire embaucher dans la garde rapprochée de Valborat
Elle traitait maintenant en direct avec Valborat, et maintenait un calme relatif sur le continent.


 Odalisk les autorisera sans doute à prélever un % sur la marchandise récoltée et quelques viols seront autorisés pour calmer les fortes têtes. Quelques exécutions publiques et sanglantes feraient réfléchir les partisanes de la paix.  Ces femmesn qui avaient perdu enfants et compagnons, constituaient une incroyable force de contre pouvoir .
Le rassemblement de tous les Indignados s’était fait par survie lors que l’accession de Valborat au pouvoir suprême de la ZonEurope. Les combattantes du sud  avaient rapporté les exactions auxquelles se livraient Odalik dans la ZonAfrik.
Tous avaient senti le besoin de s’unir : les partisanes de la paix, qui luttaient sur les terres d’Odalisk, les revanchards du Nord, qui avaient réussi la force de mobiliser les hommes et femme du nord, sans compter la venue des Kraken qui maintenaient le RESO en activité. Ces malicieux céphalopodes transformés depuis la pollution des mers avaient muté en une espèce hybride qui communiquait avec  certains êtres humains dont Moeglus et le Maître