dimanche 27 novembre 2011

Donatien # 2 - Ivan

Pendant plusieurs jours, il ressassa l'évènement. Il en arriva à une conclusion toute simple, mais qui restait incroyable. Il se résolu à renouveler l'expérience pour tester la validité de son hypothèse. 
Il choisit avec soin son cobaye : Ivan. Ce préposé au classement des colis postaux semblait tout indiqué : il travaillait en solitaire et ne se mêlait pas trop aux discussions entre collègues. 

Un matin, à l'heure de la pause, Donatien le rejoint dans la courette à l'arrière du bâtiment où les employés étaient autorisés à fumer une cigarette. Ivan venait tout juste d'allumer sa gitane. Le ciel était gris et maussade, le genre de temps qui laisse à penser que la météo avait la flemme et qu'elle avait enfilé les mêmes vêtements que la veille, un peu froissés et pas très nets. Donatien salua Ivan, Ivan lui répondit et évoqua la météo, puisque toutes les discussions formelles doivent commencer ainsi d'après la loi universelle des échanges humains quand on n'a rien à se dire. Donatien débita tout à trac une citation ampoulée de Malarmé sur l'azur, cet azur qu'on voyait si peu dans leurs contrées nordistes. Ivan le regarda comme s'il était tombé sur la tête. Donatien éclata de rire et lui posa nonchalamment une main sur l'épaule. Un geste de connivence : quelle blague, hein ? Ivan restait interloqué. Donatien changea de sujet, et, la main reposant toujours sur Ivan, il lui demanda s'il avait vu cet oiseau, là, un petit oiseau gris, qui s'était envolé du toit au moment précis où il allumait sa cigarette... Le regard d'Ivan se troubla. Aussitôt Donatien retira sa main et le salua de nouveau. Ivan sursauta et lui rendit son salut en souriant : il ne l'avait pas vu sortir. Quel temps, hein ? Fait gris...
Aucun malaise, pas la moindre allusion à son délire poétique sur le bleu du ciel, sur l'oiseau gris. Pas le moindre souvenir, en fait. Donatien souriait en l'écoutant parler de la météo pour la seconde fois en trois minutes.

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